Burundi : un système éducatif plus résilient pour un apprentissage de meilleure qualité
Points clés
- La crise sociopolitique qu'a traversée le Burundi a modifié le paysage du secteur de l'éducation et accru les défis pour assurer une éducation de qualité pour tous.
- Depuis 2012, le GPE soutient le travail du ministère de l'Éducation du pays et des partenaires de développement pour améliorer l'accès à une éducation de qualité, même en temps de crise, grâce à plusieurs financements.
- Les contributions du GPE sont plus que financières, car son approche de partenariat favorise la collaboration et la coordination entre les différents partenaires de mise en œuvre, plaçant le pays sur la voie de la transformation de son système éducatif.
Le Burundi a rejoint le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) en 2012 et a reçu depuis plusieurs financements d’un montant total de 115 millions de dollars US, pour soutenir la mise en œuvre de programmes dans le secteur de l’éducation.
Le gouvernement a entrepris une importante réforme de son système éducatif en 2010 en instaurant, entre autres, l’École fondamentale qui constitue un bloc d’enseignement de 9 ans englobant l’ancien cycle primaire et les trois premières années du secondaire.
Toutefois, la vulnérabilité du pays aux aléas climatiques, les différentes crises qu’il a connues (dont la crise socio-politique de 2015 et la pandémie de COVID-19 notamment) et les réalités socioéconomiques ont trop souvent influé sur l’atteinte de ses objectifs en matière d’éducation.
Faible qualité de l’enseignement, accroissement quasi exponentiel des effectifs des apprenants à tous les niveaux alimenté par une pousse démographique qui reste élevée, formation des enseignants limitée, manque d’infrastructures scolaires et de matériel didactique..., les défis à surmonter pour parvenir à une éducation de qualité pour tous sont considérables.
Améliorer l’accès et renforcer l’offre en matière d’éducation
Bénita, est élève en classe de 6e année du primaire et vit à Isare, une localité située dans la province de Bujumbura Mairie, à l’ouest du pays, à une trentaine de kilomètres de la capitale.
Elle se rend régulièrement au Centre pour Jeunes de cette localité, où elle participe à des activités d’apprentissage et de soutien scolaire mises en œuvre par Play International et Bibliothèques sans frontières (BSF) dans le cadre du projet Twige Neza, dont l’Agence française de développement (AFD) est l’agent partenaire. L’ONG Play International intervient également dans ce projet aux côtés de l’AFD.
Démarré en 2019 et financé à hauteur de 46,9 millions de dollars US par le GPE, le projet, mis en œuvre par l’AFD (qui le cofinance à hauteur de 4 millions d’euros), entend préserver les acquis du secteur de l’éducation et promouvoir une dynamique partenariale pour atteindre les objectifs fixés par le Plan transitoire de l’éducation.
Il vise notamment à assurer aux élèves d’acquérir les compétences attendues des programmes d'enseignement et soutient des activités d’apprentissage en vue de favoriser la réintégration scolaire, lutter contre l’abandon scolaire et renforcer l’accès à l’éducation au sein des écoles fondamentales.
En collaboration avec les autorités locales et les réseaux scolaires, BSF conçoit et propose ainsi une variété d’activités d’apprentissage numériques accessibles gratuitement aux enfants, via des Ideas Box (médiathèques en kit déployables rapidement sur tous les terrains et fonctionnant grâce à une connexion Internet) et des Ideas Cube (bibliothèques numériques et autonomes, version miniature de l’Ideas Box, qui fonctionne sans connexion internet pour fournir un accès à l’information dans les endroits les plus reculés).
« Le choix et la sélection des contenus proposés a été fait en relation avec les besoins de la communauté et du contexte. On privilégie les contenus en Kirundi et tout ce qui est en lien avec les manuels et les curricula burundais, pour que ce soit contextualisé et compris par la communauté », assure Leyre Gil Pedromingo, Coordinatrice des programmes pour la région des Grands lacs au Bureau de BSF au Burundi.
Ces activités de soutien scolaire, qui se déroulent essentiellement dans des Centres pour Jeunes dans quatre provinces (Bujumbura Mairie, Makamba, Rumonge et Ruyigi), incluent également des activités ludoéducatives (théâtre, cinéma, jeux de société) dont le but est de stimuler la créativité des apprenants qui « ont aussi la possibilité de créer eux-mêmes des contenus grâce aux outils tels que les caméras mis à leur disposition », rappelle Madame Gil Pedromingo.
« J'aime beaucoup les Ideas Box. Elles m’ont permis de regarder des films sur l’histoire et d'apprendre les mathématiques aussi » , déclare Bénita , toute sourire.
Depuis le début du programme, 27 000 enfants en âge scolaire, scolarisés ou non, rapatriés, retournés ou à risque de déscolarisation ont déjà bénéficié d’un accompagnement ; 2 300 parents et membres des communautés ont été sensibilisés et 390 enseignants et animateurs formés.
Le Centre pour jeunes d’Isare, à lui seul, a enregistré plus de 14 000 visites entre août 2021 et juin 2022, avec une moyenne de 200 usagers uniques par mois, les filles représentant 40 % de ces usagers.
Un succès dû à « la collaboration qui est très forte avec les autorités locales et le lien très fort avec les réseaux scolaires, ceci à leur demande » car, ce sont les écoles qui, « en collaboration avec le[s] Centre[s], identifient des thématiques prioritaires pour le renforcement des capacités des enfants », souligne Sabine Deparde, Responsable de programmes Éducation au Bureau de BSF au Burundi.
Soutenir la continuité de l’apprentissage pendant les situations d’urgence
Les effets des crises climatiques comme la montée des eaux à l’origine de graves inondations dans le pays mi-2021 affectent considérablement l’apprentissage dans les régions sinistrées.
La destruction des écoles, les déplacements de population et la croissance démographique dans certaines régions (due aussi aux retours des populations qui s’étaient réfugiées dans les pays voisins à la suite de la crise politique de 2015) qui s’en suivent, accentuent le besoin d’infrastructures scolaires dans les communes d’accueil.
« J'aimerais qu’on ait plus de salles de classe à l'école, surtout pour [mieux intégrer] ceux qui reviennent des camps de réfugiés » déclare Cynthia Tumukunde, élève à l’ECOFO de Kibonde.
C’est justement la raison d’être du Programme d’appui à la continuité des apprentissages dans les situations d’urgence, à travers lequel le GPE, via un financement de 9,38 millions de dollars, soutient la construction de 103 salles de classe et la réhabilitation de 750 autres endommagées par les intempéries. Ce programme est mis en œuvre en collaboration avec l’UNICEF.
Bien que le pays n’ait pas fermé ses écoles durant la pandémie de COVID-19, la crise sanitaire a considérablement affecté les élèves et le personnel de l’éducation.
« Certains élèves et enseignants ont attrapé la COVID-19 et cela a affecté leur assiduité et leur travail. Nous avons dû aller dans leurs familles, pour les rassurer et les encourager à retourner à l'école après leur guérison. Nous avons également dû mettre en œuvre des cours de remise à niveau pour que les élèves ayant été malades puissent rattraper leur retard », affirme Muheto Wintare Ferdinand, Directeur de l’ECOFO de Bumwe (dans la banlieue de la capitale Bujumbura).
Pour atténuer l'impact de la pandémie sur l'apprentissage, l'UNICEF a également travaillé avec une ONG locale (la Plateforme des intervenants en psychosocial et en santé mentale) qui se concentre sur la santé mentale, en fournissant un soutien émotionnel aux enfants et aux enseignants affectés par la pandémie.
Cela comprenait la formation de plus de 1 300 enseignants, parents et leaders communautaires par la suite affectés dans les écoles pour fournir un soutien psychologique de base aux personnes affectées ; ainsi que le recrutement de psychologues pour fournir un soutien avancé si nécessaire.
Un accent particulier a été mis sur la prévention des abus et exploitation, notamment les abus sexuels, pendant les périodes de crise et d'incertitude qui fragilisent la cohésion sociale.
Une approche communautaire et partenariale pour de meilleurs résultats
Bien que des défis subsistent au niveau de l’accès, de l’amélioration de la qualité, du pilotage du système éducatif, de la collecte des données sur l’éducation entre autres, le porte-parole du ministère de l’éducation reconnait que « le financement du GPE, qui est le plus grand bailleur de fonds de l’éducation dans le pays, fait vraiment la différence ».
Les contributions du GPE vont au-delà des financements, son approche de partenariat encourageant la collaboration et la coordination des activités entre les différents partenaires de mise en œuvre.
De plus, l’approche communautaire adoptée par l’UNICEF et l’AFD ; la bonne collaboration avec les partenaires locaux de mise en œuvre ; l'implication du MENRS, des autorités locales et des communautés favorisent l’appropriation du programme par les différentes parties prenantes, la prévention d’éventuels conflits dans sa mise en œuvre et l’atteinte de résultats de qualité.
Le partage d’information sur le programme au sein des groupes sectoriels permet également d’éviter des chevauchements ou des répétitions par les différents partenaires. Une approche qui permet de garantir la complémentarité des différents programmes mis en œuvre par les partenaires et facilite le suivi par le gouvernement.
De plus, le renforcement des structures communautaires et la collaboration entre les partenaires de développement, en plus de favoriser le partage d’expérience, contribue à renforcer les capacités des acteurs et leur donne les outils pour être mieux préparés à d’éventuelles crises dans le futur.
Le GPE continuera d'accompagner le Burundi dans son cheminement vers la transformation de son système éducatif pour garantir à tous les enfants de jouir pleinement de leur droit à une éducation de qualité.